Lutte contre le réchauffement climatique : le logement et le reste

L’utilisation des logements et plus généralement celle des bâtiments, résidentiels ou non, contribue significativement  aux émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) en France. Pour autant sa contribution et son évolution en France et à l’étranger ne devrait pas en faire un secteur prioritaire dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Le Commissariat Général au Développement Durable fournit des données concernant les émissions de l’ensemble des gaz  à effet de serre résultant de l’activité économique en France en équivalents tonnes de CO2[1]. La base de données EDGAR de l’Union Européenne fournit le même type de données pour l’ensemble des pays du monde en les distinguant selon la nature du gaz[2].  Les deux sources de données font donc apparaître des résultats un peu différents pour la France mais les ordres de grandeur et les évolutions sont suffisamment semblables pour permettre quelques observations.

1 Le poids des immeubles dans les émissions de CO2 en France

En premier lieu, l’utilisation des immeubles pour le chauffage, la climatisation, le fonctionnement des appareils domestiques, l’éclairage, etc. contribue à l’émission de GES à hauteur d’environ 20% du total des émissions françaises en 2019, (18% de l’ensemble des gaz selon le SDES et 24% du CO2 selon EDGAR). Dans ce chiffre le secteur résidentiel compte pour les 2/3, le tertiaire pour le reste.

En France ceci place le secteur des immeubles au 2ème rang des plus pollueurs derrière celui des transports ou au 3ème rang derrière l’agriculture selon les données du SDES. Ce classement dépend évidemment de la nomenclature utilisée, c’est-à-dire du découpage en secteurs d’activités.

Quant à l’évolution des émissions, en remontant à 1970 à partir des données de la base EDGAR, on constate d’abord que les émissions de l’ensemble de l’économie française ont connu  une évolution tendancielle descendante. Celle-ci se manifeste par deux périodes de baisse plus accentuée séparées par une période de stabilité. La première période de baisse se déroule à partir de 1980 jusqu’à la fin des années 80, puis une seconde période de baisse commence à partir de 2005.

On peut imputer la première baisse aux chocs pétroliers et à l’augmentation du prix des combustibles issus du pétrole. Ces chocs ont incité les utilisateurs de pétrole à lui substituer d’autres sources d’énergies et de manière plus générale à économiser l’énergie. La raison majeure était le facteur prix et la crainte de pénurie. La préoccupation environnementale n’était à l’époque pas le facteur premier et, si elle commençait à poindre (cf. la publication en 1972 de l’ouvrage « Les limites de la croissance », dit rapport Meadows), il s’agissait plus d’interrogations sur le caractère fini de certaines ressources, notamment en énergies fossiles, que de préoccupations climatiques.

La seconde période de baisse est analysée par Nicolas Riedinger dans un document édité par le SDES[3]. Celle-ci est imputable principalement à l’évolution du contenu carbone de l’énergie consommée dans le secteur résidentiel, notamment par substitution des énergies renouvelables (bois et pompes à chaleur) au fioul domestique et dans une moindre mesure par décarbonation du mix électrique. Ici aussi le facteur prix est sans doute dominant, le fioul étant un des combustibles les plus onéreux. L’amélioration des performances thermiques des bâtiments a joué également un rôle mais celui-ci est largement compensé par l’augmentation des surfaces de bâtiment. Donc l’action spécifique de lutte contre les émissions a trouvé ses limites.

2 Les autres sources d’émission en France

En France les autres sources d’émission de GES sont d’abord les transports. Non seulement c’est le premier secteur émetteur mais c’est aussi le seul qui n’ait pas connu de baisse depuis 1970, même s’il se stabilise depuis le début du 21ème siècle. L’évolution récente est la résultante de phénomènes qui se compensent, l’accroissement des déplacements et la moindre émission au kilomètre parcouru.

Source : Base de données EDGAR

3 Les émissions au niveau mondial

Au niveau mondial les données sont sensiblement différentes (cf. graphique suivant). Le secteur qui émet le plus de GES est celui de la production d’électricité et de très loin. On trouve ensuite les secteurs des transports et les autres industries. Ce sont ces trois secteurs qui ont le plus contribué à la hausse depuis 2000, à hauteur de 80% de l’accroissement des émissions.

On observe que la configuration de la France en ce qui concerne les émissions de GES est sensiblement différente de celle du reste du monde. La France émet peu de CO2 pour sa production d’électricité parce que celle-ci est majoritairement d’origine nucléaire. Elle en  émet peu également par les autres industries parce que celles-ci représentent un faible poids dans l’activité économique française à laquelle les services contribuent pour 80% et présente une amélioration significative de sa performance énergétique. De ces faits il résulte que le poids relatif du secteur des immeubles est rehaussé.

Source : Base de données EDGAR

Si l’on raisonne par pays, sur les 211 documentés dans la base EDGAR en incluant le fret international et l’aviation internationale, les 5 plus gros émetteurs sont la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie et le Japon. Vient ensuite le fret  international. Ces six émetteurs représentent 60% du total des émissions en 2019. La France, outre-mer exclu, contribue au total pour 0,84%. C’est dire que les efforts que s’est engagée à faire la France pour réduire ses émissions aura un impact négligeable sur les émissions mondiales.

En termes d’évolution, les émissions mondiales croissent de manière continue depuis 1970, début de la période documentée par la base EDGAR. En se focalisant sur le début du 21ème siècle, l’évolution globale est le résultat de l’évolution divergente de certains pays, 46 d’entre eux présentant une baisse et les autres une hausse. Parmi les 5 plus grands pollueurs, seuls la Chine et l’Inde ont vu leurs émissions s’accroître, la Chine dans des proportions  bien plus considérables que l’Inde puisqu’elle contribue pour près des 2/3 à l’accroissement total contre 13% pour l’Inde.  En revanche un pays comme les Etats-Unis qui est au 2ème rang des plus gros émetteurs a réduit ses émissions de 16%, quand la Chine les accroissait de plus de 100%.

En définitive la Chine joue un rôle décisif dans l’évolution des émissions mondiales. La source principale de ses émissions est la production d’électricité dont une part résulte de l’utilisation du charbon, suivie des autres secteurs économiques. L’utilisation des immeubles a contribué pour moins de 9%  à l’accroissement des émissions. Bien entendu on peut objecter que la contribution chinoise est due en partie à la production de biens qu’elle exporte vers le reste du monde, ce qui allège en contrepartie ses émissions. Toutefois on peut noter que cette position d’exportateur net ne lui est pas imposée, mais surtout que l’alimentation en énergie de cette  production et des autres activités est de sa seule responsabilité. Le comportement de la Chine ces 20 dernières années laisse sceptique sur la vraisemblance d’une réduction significative de ses émissions.

 

[1] https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/defis-environnementaux/changement-climatique/emissions-de-gaz-a-effet-de-serre/article/les-emissions-des-gaz-a-effet-de-serre-du-secteur-residentiel

[2]  Crippa, M., Guizzardi, D., Solazzo, E., Muntean, M., Schaaf, E., Monforti-Ferrario, F., Banja, M., Olivier, J.G.J., Grassi, G., Rossi, S., Vignati, E., GHG emissions of all world countries – 2021 Report, EUR 30831 EN, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2021, ISBN 978-92-76-41547-3, doi:10.2760/074804, JRC126363.

[3] « Les facteurs d’évolution des émissions de CO2 liées à l’énergie en France entre 1990 et 2016”, SDES, Commissariat général au développement durable, août 2018.

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