Les deux plafonnements des loyers : une analyse économique

Il existe deux formes de plafonnement des loyers en France. Le premier est un plafonnement « en dynamique » qui encadre l’évolution dans le temps de l’ensemble des loyers du secteur privé. Le second est un plafonnement « en statique » qui encadre les loyers les plus élevés dans les plus grandes communes. Le premier concerne le prix des loyers c’est-à-dire la composante prix « pure ». Le second concerne les loyers au mètre carré qui sont fonction du prix des loyers mais aussi de la qualité au mètre carré, laquelle est une composante du volume. On examine successivement ces deux plafonnements.

1 Le plafonnement en dynamique

La réglementation limite la hausse du loyer de chaque logement à l’évolution d’un indice, sans modification de la prestation offerte. Depuis 2006 cet indice est l’IRL, l’indice de référence des loyers, qui est l’indice des prix à la consommation, l’IPC, hors loyers et hors tabac.  « Avant 2006, les loyers étaient indexés sur l’indice du coût de la construction. Après cette date, ils sont indexés sur l’indice de référence des loyers (IRL) modifié en 2008 (article 9 de la loi 2008-111 pour le pouvoir d’achat) » (INSEE).

On peut observer comment le prix des loyers évolue par rapport à l’indexation en déflatant le prix des loyers par cet indice. Concrètement si l’indice ainsi déflaté croît, c’est que le prix des loyers augmente plus que l’indice. C’est le signe que la réglementation n’est pas respectée et qu’il y a une probable tension sur le marché locatif. Ce n’est pas ce que l’on constate au vu du graphique suivant.

Ainsi, dans la période récente (les derniers chiffres disponibles sont ceux du 1er  trimestre 2023) le prix des loyers a augmenté moins que l’indice des prix à la consommation et  moins que l’indice de référence des loyers. Et ce phénomène s’accentue. Autrement dit, les bailleurs n’ont  pas utilisé la totalité des marges d’augmentation dont ils disposaient. En euros constants, c’est-à-dire hors augmentation générale des prix le niveau actuel des loyers est le même qu’il y a trente ans, après une période de hausse suivie d’une période de baisse.

Cette observation conduit à penser que ces derniers temps l’IRL ne joue pas comme une contrainte pour l’évolution du prix des loyers. On peut comparer avec la période 1985-1995 qui montre une augmentation du prix des loyers supérieure à l’indice de référence, ce qui était la manifestation d’une vraie tension sur le marché locatif. Celle-ci résultait d’une contraction du parc locatif clairement documentée dans les statistiques.

2 Qu’est-ce qu’expriment ces faits concernant le comportement des bailleurs ?

A côté du prix des loyers on a aussi des indications concernant les loyers au m². Ils connaissent une certaine augmentation, au moins dans certaines agglomérations. Or le loyer au m² dépend  du prix des loyers mais aussi  de la qualité des logements. Comme le prix des loyers au niveau national n’a pas augmenté (inflation générale déduite) il doit en être de même dans la plupart des agglomérations. C’est donc la qualité des logements qui a crû.

On a donc affaire à des bailleurs qui s’évertuent à améliorer la qualité des prestations tout en maintenant le prix unitaire constant, voire décroissant. Est-ce là la manifestation d’une tension sur le marché ? Pas du tout. S’il y avait une tension, comme on en a connu jusque dans les années 1970-1980, ils feraient le contraire. Ils laisseraient les logements se dégrader tout en maintenant les loyers à la hausse, sûrs qu’ils seraient de trouver un locataire.

L’amélioration de la qualité à prix constants est la manifestation d’une concurrence accrue entre les bailleurs. Ils font comme tous les offreurs dans un marché concurrentiel, ils tentent de différencier leur produit. L’évolution des loyers au m² confirme donc l’état d’abondance de l’offre et sa conséquence sur laconcurrence entre les bailleurs.

3 Le plafonnement en statique

A côté du plafonnement en dynamique il y a aussi dans certaines communes un plafonnement en statique qui interdit que les loyers au m² à la signature du bail dépassent un « loyer majoré » défini comme le loyer médian de la distribution des loyers majoré de 20%. Il exxiste aussi un plancher de loyer défini comme le loyer médian minoré de 30%.

Notons d’abord que ce plafonnement en statique peut avoir ponctuellement un effet sur l’évolution du prix des loyers si un certain nombre de loyers sont réduits pour satisfaire  la réglementation. Encore faut-il que cette baisse ne soit pas compensée et au-delà par l’accroissement des loyers qui sont en dessous du loyer minoré. Les données sont insuffisantes pour trancher cette question.

Maintenant on peut s’interroger sur le comportement des bailleurs en réponse au plafonnement en statique. Les effets peuvent porter sur les deux variables conditionnant les loyers au m², à savoir le prix des loyers et la qualité des logements.

A court terme, la seule variable que les  bailleurs ont la  possibilité d’ajuster pour respecter le plafond est le prix des loyers. Les loyers qui sont dans cette situation vont donc baisser à qualité de la prestation inchangée.

A plus long terme, les bailleurs peuvent laisser se dégrader la qualité des logements à prix des loyers donné.

On voit que les effets de court et de long terme sont différents, diminution des prix d’abord puis diminution de la qualité pour que l’équilibre économique du bailleur soit respecté. Le dispositif de plafonnement est trop récent pour que ces effets soient déjà observables.

 

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