Le logement en Ukraine par Radmila Datsenko

Radmila Datsenko est doctorante en économie à l’Université de Lille 1. Elle réalise une thèse sur l’économie du secteur HLM.

L’Union Européenne et l’Ukraine ont signé récemment un accord d’association qui manifeste une volonté commune de rapprochement[1]. Cet accord est perçu comme fortement symbolique et d’une importance majeure pour les ukrainiens. Il est aussi à l’origine des événements tragiques qui ont lieu suite aux mouvements protestataires et séparatistes depuis novembre 2013. Même si le logement n’est que peu concerné par ces événements, il est intéressant de mieux connaître la situation du logement en Ukraine.

Le marché du logement en Ukraine est conditionné par deux facteurs majeurs : la gouvernance soviétique avec sa répartition zonale des activités et des décisions centralisés, et les tendances récentes de formation de nouvelles zones d’activités sous l’influence du marché libre.

1 La gouvernance soviétique du logement

Dans une économie communiste, la détention des moyens de production est collective. Les logements qui ne sont pas des moyens de production peuvent faire l’objet d’une appropriation privée. La propriété privée des logements était répandue de manière plus ou moins importante dans les pays autrefois communistes. Mais en Ukraine, comme en Russie, la notion de propriété privée n’existait tout simplement pas. Ainsi, il n’était pas possible d’acheter un logement, ni un terrain, mais uniquement de s’en voir attribuer un. En zone urbaine, les pouvoirs publics réalisaient des projets de construction de logements collectifs qu’ils attribuaient ensuite aux ménages inscrits sur les listes d’attente. Tout ménage dont au moins un membre avait un emploi, sachant qu’un emploi était fourni à toute personne en fonction de sa formation de manière plus ou moins obligatoire selon les périodes, était automatiquement inscrit sur ces listes d’attente.

Une conséquence de cette logique de production des logements est que, dans les grandes agglomérations, l’habitat collectif était fortement dominant. Dans les immeubles, construits souvent sur les mêmes plans dans toute la ville, les parties communes appartenaient à la municipalité et étaient entretenues par celle-ci. De même, la gestion des déchets, le système de canalisations, le gaz, l’eau courante et le chauffage étaient systématiquement raccordés au système centralisé, et ce y compris après la chute de l’URSS, jusqu’à la fin des années 2000.

Dans le milieu rural, tout couple marié se voyait accorder un terrain constructible sur lequel il était libre de construire tout type d’habitation et/ou qu’il pouvait utiliser pour une exploitation agricole. Il n’existait, et il n’y existe à ce jour aucun système de délivrance de permis de construire à l’instar du système français. Ceci est dû, d’une part, au fait que l’aménagement du territoire ne fait pas partie des préoccupations des pouvoirs publics, et d’autre part, au fait qu’il n’y a pas de réseau de canalisation, d’eau courante etc. Dans le milieu rural, le confort reste relativement limité : 26,5% de logements disposent d’eau courante, 36,5% disposent d’un système de chauffage moderne (chaudière à gaz par exemple), 19,8% sont équipés d’une salle de bain.

Dans le milieu urbain le niveau de confort est relativement plus élevé grâce aux normes de construction dans l’habitat collectif appliquées en URSS. Ainsi, 76,8% des logements disposent de l’eau courante, 76,1% ont un système de chauffage et 72,7% sont équipés d’une salle de bain.

2 Les tendances récentes

La chute de l’URSS a constitué un tournant important dans le secteur du logement en Ukraine. D’une part, elle a engendré la privatisation massive des logements : les ménages qui s’étaient vu attribuer un logement ou un terrain sur lequel ils avaient fait construire un logement ont eu la possibilité de le privatiser. Ainsi, les transferts de propriété sont devenus possibles à partir de 1991.

D’autre part, suite au passage d’une économie planifiée à l’économie de marché, la construction neuve a été très fortement réduite dans les années 1992-1994 : l’état, qui était auparavant l’unique commanditaire de projets de construction, ne disposait pas de moyens suffisants, et les promoteurs privés n’existaient pas. En tout état de cause la population n’était pas en mesure d’acquérir un logement du fait de l’hyperinflation[2]. Ainsi, ce n’est qu’à partir du début des années 2000 que le système bancaire privé a acquis le niveau de développement suffisant pour pouvoir proposer des prêts immobiliers à la population.

Ainsi, les tendances récentes du marché immobilier ukrainien sont telles que l’occupation par les propriétaires est très largement dominante, sauf dans la capitale où les prix immobiliers très élevés ont rendu impossible l’acquisition pour un ménage moyen. Le prix d’achat moyen s’élève à 770€/m² dans la construction neuve et 1465€/m² dans l’ancien, tandis que le salaire moyen ne dépasse pas 350€/mois. De surcroit, les taux appliqués aux prêts immobiliers se trouvent entre 18 et 26%, ce qui a pour effet de rendre le coût du crédit extrêmement élevé.

L’écart de prix entre le neuf est l’ancien est dû d’abord au type de construction. Les projets récents sont des ensembles d’immeubles de 30-40 étages ce qui implique une densité très importante dans certains quartiers et permet des prix de revient plus bas. L’autre raison est liée à la localisation des nouveaux logements qui se trouvent dans des quartiers excentrés donc moins prisés.

Globalement, le marché immobilier ukrainien est tendu dans les zones urbaines ce qui se traduit par un niveau de prix relativement élevé. Par ailleurs, son évolution est fortement liée à la valeur de la monnaie nationale : lorsque le pays subit des changements politiques ou économiques, la monnaie locale fluctue par rapport au dollar américain et à l’euro qui sont les seules monnaies acceptées pour les transactions immobilières, ce qui engendre des fluctuations de prix. Paradoxalement, les évènements récents ont eu un impact très modéré sur le marché immobilier : en dehors de la zone de conflit (2 régions à l’extrême est du pays sur les 23 régions administratives), le volume de transactions et les prix ont connu un très faible ralentissement, à l’exception de la ville de Kiev qui doit réaliser des projets de rénovation importants suite aux événements de l’hiver 2013-2014.

 

[1] Voir article http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/06/27/porochenko-salue-un-jour-historique-pour-l-ukraine_4446530_3214.html

[2] La perte encaissée par les 40 millions d’épargnants s’élève, selon une estimation datant de 2012 à 583 milliard d’euros.

 

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Une réponse à Le logement en Ukraine par Radmila Datsenko

  1. excellent article concernent le logement en ukraine .
    merci pour le partage de tous ces informations.

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