Logement et inégalités

La question des inégalités est une question souvent évoquée actuellement. Il est donc intéressant de l’examiner en relation avec le logement.

On rappelle tout d’abord que les inégalités sont une question largement subjective. Elles dépendent d’abord de la grandeur dont on observe la distribution, revenu, patrimoine, conditions de vie ou autres. Elles dépendent ensuite du type d’inégalités auquel on s’intéresse, inégalités entre les extrêmes, que l’on mesurera par exemple par un rapport inter décile ou inter centile, ou situation des plus modestes, que l’on mesurera par un indice de pauvreté, ou encore état de l’ensemble de la distribution, que l’on mesurera par exemple par l’indice de Gini.

1 Les conditions de logement sont moins inégales que les revenus

Les revenus présentent une certaine disparité qui dépend principalement de la place (ou  l’absence de place)  qu’on occupe dans l’appareil de production, ou de la place qu’on y occupait (pour les retraités). Les conditions de logement dépendent des revenus présents et/ou d’un patrimoine antérieur. Les données montrent que la consommation de logement, et donc les conditions de logement, augmentent avec les revenus mais moins vite que ceux-ci. En termes économiques, l’élasticité revenu est positive mais inférieure à 1.  Globalement, les conditions de logement sont donc moins inégales que les revenus.

De fait, les logements diffèrent peu par les éléments de confort standard, que la quasi-totalité d’entre eux possède. La surface occupée augmente avec le revenu mais dépend surtout de la taille du ménage, présente ou antérieure (cas des personnes âgées). La population la plus modeste est davantage sujet au surpeuplement que le reste de la population : 23% de la population dont le revenu est inférieur à 60% du revenu médian est en situation de surpeuplement contre 6% pour le reste de la population (source Eurostat, 2012). Quant aux taux d’effort, comme la consommation de logement augmente moins vite que le revenu, ils diminuent quand le revenu augmente. Ainsi, alors que le taux d’effort médian de l’ensemble des ménages est de 12,4%, celui de la population dont le revenu est inférieur à 60% du revenu médian est de 20,6% (Eurostat, 2012).

Les logements diffèrent aussi par leur localisation. Dans une agglomération la localisation est un marqueur social, indépendamment des caractéristiques intrinsèques des logements. Quand les biens immobiliers sont alloués par le marché, c’est-à-dire au plus offrant, les choix de localisation sont déterminés par la capacité à payer. Les plus aisés peuvent payer plus cher les logements les plus attirants. Les plus aisés sont donc dans les localisations les plus demandées, les plus centrales ou dans les sites les plus agréables. La population la plus modeste devra s’éloigner davantage ou accepter des localisations périurbaines moins agréables.

Enfin un certain nombre de personnes sont sans abri ou dans des logements de fortune ou  insalubres.  C’est sans doute la manifestation d’inégalité la plus inacceptable. Elle pose le problème de l’efficacité des aides et renvoie à des questions d’insertion sociale.

2 L’accès à la propriété est un facteur de diffusion des patrimoines mais accentue la différence avec les  non propriétaires

Globalement, la répartition des patrimoines est beaucoup plus inégalitaire que celle des revenus[1]. Être on non propriétaire d’un logement est donc un facteur d’inégalité de patrimoine. Pour autant, la propriété d’un logement est une des premières formes de constitution d’un patrimoine. Elle est assez générale : plus de 60% des ménages sont propriétaires occupants, auxquels il faut ajouter les ménages non propriétaires occupants mais propriétaires bailleurs ou d’une résidence secondaire, ce qui rajoute quelques pour cents. Le taux de propriétaires est lié positivement au revenu et la valeur du patrimoine également (Cf. graphique suivant). Ce patrimoine brut est toutefois assez fréquemment grevé d’un prêt. Globalement, l’accès à la propriété est plutôt un facteur de diffusion des patrimoines dans les tranches de revenu plus basses.

Les patrimoines ont vu leur valeur augmenter récemment (graphique suivant), notamment du fait du doublement des prix immobiliers. L’écart avec ceux qui ne détiennent pas d’immobilier s’est donc accru. Rappelons cependant  que la valeur d’un patrimoine est la somme des revenus futurs  actualisés. Plus simplement, sa valeur est le revenu qu’il génère divisé par un taux de rendement. Concernant l’immobilier, le revenu est le loyer déterminé par le marché locatif, le taux de rendement est déterminé par les marchés financiers.  C’est la diminution de moitié  du taux de rendement depuis 2000 qui a conduit au doublement des prix immobiliers et à l’accroissement du patrimoine immobilier des ménages. C’est dire que la valeur d’un actif est très volatile, fonction de l’évolution des loyers et plus encore du taux de rendement.

3 L’accroissement du nombre de logements est un facteur d’accroissement statistique des inégalités

Les inégalités sont souvent mesurées au niveau des ménages. Un ménage est l’ensemble des personnes qui habitent un même  logement. Dès lors, la manière dont la population se répartit en ménages-logements conditionne la mesure des inégalités. L’accroissement très sensible du nombre de logements par rapport à l’évolution de la population  a permis un fractionnement de la population en un plus grand nombre de ménages.  Ce mouvement et le développement des minima sociaux a permis la décohabitation de personnes à revenu  modestes qui antérieurement auraient vécu au sein d’autres ménages. Cette décohabitation a donné aux personnes pauvres une visibilité statistique qu’elles n’avaient pas antérieurement. Elle a donc accru la mesure statistique des inégalités.

La décohabitation a aussi contribué à diminuer les économies d’échelle dans la consommation de logement résultant du partage d’un même logement par plusieurs personnes. Ce faisant elle a contribué à diminuer les niveaux de vie, en particulier ceux des plus modestes.

 Ce phénomène de décohabitation concerne notamment les personnes âgées. Il y a trente ans les médiocres retraites et le faible nombre de structures adaptées  imposaient aux personnes âgées une cohabitation intergénérationnelle beaucoup plus fréquente qui apparaît dans le nombre de « ménages complexes ».

Structure familiale des ménages aux recensements

Structure familiale 1968 1975 1982 1990 1999 2010
Homme seul 6,4 7,4 8,5 10,1 12,5

14,2

Femme seule 13,8 14,8 16,0 17,1 18,5

19,6

Famille monoparentale 2,9 3,0 3,6 6,6 7,4

8,3

Couple sans enfant 21,1 22,3 23,3 23,7 24,8

25,9

Couple avec enfant 36,0 36,5 36,1 36,4 31,5

26,8

Ménage complexe 19,8 16,0 12,5 6,1 5,3

5,2

Nombre de ménages (millions) 15,8 17,7 19,6 21,5 23,8

27,8

Champ : France métropolitaine.

Source : Insee, Recensements de la population.

Les personnes vivant dans des habitations mobiles, les mariniers, les sans-abris, et les personnes vivant en communauté (foyers de travailleurs, maisons de retraite, résidences universitaires, maisons de détention…) sont considérées comme vivant hors ménage.

 Conclusion

L’atomisation de la population en un plus grand nombre de ménages continue. La couverture des besoins minimaux continuera d’être assurée. Les inégalités des conditions de logement continueront donc à se réduire. Corrélativement les  inégalités de revenu et de patrimoine mesurées sur les ménages subiront les effets du nombre d’augmentation des ménages pauvres. Quant aux inégalités de patrimoine dues à l’immobilier, elles dépendront de l’évolution des prix immobiliers. Ils sont actuellement dans une phase descendante, dont la pente dépendra de la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne. Les inégalités de patrimoine immobilier pourraient donc diminuer.

 


[1] « Les inégalités de patrimoine s’accroissent entre 2004 et 20010 », INSEE Première, n°1380, novembre 2011, http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1380#inter2

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Une réponse à Logement et inégalités

  1. Jean Roussel dit :

    Merci ; un blog tout à fait fantastique. Bonne continuation ; Un peu d’info sur les nouvelles techniques de ventes immobilières

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