Construire davantage ne fera pas baisser les prix

Dans son interview du 15 octobre 2017, le président Macron a indiqué que la politique du logement consistait en un choc d’offre afin de faire baisser les prix. On a déjà argumenté l’idée que cette politique reposait sur un diagnostic erroné (cf. ici). On examine l’éventualité de cet effet en mobilisant les concepts d’analyse économique et les données statistiques.

1 La réponse des prix à une variation des quantités est mesurée par l’inverse de l’élasticité prix de l’offre.

L’élasticité prix représente de combien varient les quantités pour une variation relative marginale du prix. L’impact d’une variation des quantités sur les prix est donc mesuré par l’inverse de l’élasticité prix. Pour que l’accroissement de l’offre entraîne une baisse de prix, il faut que l’élasticité soit négative, les prix et les volumes variant en sens inverse. La deuxième dimension de l’élasticité prix est sa valeur absolue. Ainsi certains considèrent que la construction neuve qui ne représente qu’un accroissement du parc de 1% est insuffisante pour faire baisser les prix. En réalité tout dépend de la valeur de cette élasticité prix et donc de son inverse.

Observons d’abord qu’à une date t le parc constitutif de l’offre est une donnée. Les mutations et les transactions sur le parc existant ne contribuent pas à modifier l’offre. C’est la construction et les travaux qui peuvent le faire évoluer positivement. C’est donc la réponse du prix du logement à une variation de ces productions qui dépend de l’élasticité prix de l’offre.

Pour mesurer cette élasticité prix on mobilise les données d’acquisitions de logements neufs et de travaux en valeur, en volume et en prix fournies par le compte du logement depuis 1984 pour les logements neufs et depuis 1999 pour les travaux.

Concernant les logements neufs, il apparaît que les prix et les quantités évoluent positivement en tendance. Mais on ne peut pas inférer de cette observation que l’élasticité prix est positive et que produire plus coûte plus cher. En effet les séries ne sont pas stationnaires, elles manifestent une dérive tendancielle positive ce qui interdit de tirer des conclusions sur leur corrélation. Pour traiter le problème on raisonne sur les taux de croissance des prix et des volumes.

2 L’offre de logement neuf est parfaitement élastique

Le graphique 1 donne le taux de croissance des prix en fonction de celui des volumes de logements neufs. La courbe ne montre aucune corrélation tendancielle des prix et des quantités. La croissance des prix et des volumes évolue autour du point d’équilibre de long terme de 2,34 % pour les prix et 0,15 % pour les volumes.

Économétriquement, il apparaît que la sensibilité des prix aux volumes (l’inverse de l’élasticité prix) est positive et très faible, de l’ordre de 0,075. Mais statistiquement on ne peut pas écarter l’hypothèse que cette valeur soit nulle (le t de Student est de 1,30). Les prix et les quantités sont donc plutôt indépendant les uns des autres. L’offre apparaît donc comme très élastique, voire parfaitement élastique[1]. Augmenter les volumes ne fait pas varier les prix, ou si c’est le cas, la variation est plutôt à la hausse.

Économiquement, la courbe d’offre qui relie les prix aux quantités représente le coût marginal de la production, concrètement le coût de la dernière unité produite. Le fait qu’elle soit horizontale indique qu’il n’y a pas d’économie à produire plus. Construire deux fois plus de logement coûte globalement deux fois plus cher. Les coûts unitaires restent inchangés. Ceci résulte du mode de détermination du prix des logements neufs.

3 La détermination du prix des logements neufs

Pour les biens et services ordinaires, les prix sont déterminés par le coût de production plus une marge. Ceci n’est possible que parce que les biens et services entrant dans la production de ces biens ont eux-mêmes leur prix déterminé par leur coût de production.

En ce qui concerne les logements neufs, une des composantes, la composante foncière, n’a pas de coût de production. Son prix est déterminé à partir du prix de vente des logements selon le mécanisme que les promoteurs qualifient de « compte à rebours ». Ils partent du prix de vente du produit dont ils déduisent les coûts de construction et leur marge pour aboutir à la charge foncière maximale admissible qui leur sert de base pour la négociation.

Quant à la composante construction, elle est un produit comme le sont les travaux sur les logements existants. Elle est donc caractérisée par une élasticité prix.  Le graphique 2 donne le taux de croissance du prix des travaux en fonction de celui de leur volume. Les mêmes observations peuvent être faites et, partant, les mêmes conclusions que pour le graphique 1 (le t de Student est de 0,23). La production de construction est parfaitement élastique. La raison en est que les travaux sur l’existant comme la construction de logements neufs consistent en une activité de chantier peu susceptible de générer des économies d’échelle en relation avec le volume de la production.

Aussi bien pour la composante construction que pour la composante sol, le prix est indépendant des volumes produits. Une augmentation du nombre de logements construits n’aura donc aucun impact sur les prix, et s’il en avait un, il serait plutôt positif.

[1] Ce résultat a été établi pour les Etats-Unis par Richard Muth en 1958.

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