France-Allemagne : le logement

Il est assez habituel de comparer la France à l’Allemagne, souvent au désavantage de la première. On a déjà contesté dans un article précédent (Coût du logement et compétitivité, mars 2013)  le rôle du logement dans le différentiel de compétitivité de la France par rapport à l’Allemagne. On mène ici une comparaison systématique du logement dans les deux pays. La comparaison fait apparaître que les conditions de logement sont assez semblables dans les deux pays, mais que les coûts du logement relativement au revenu sont sensiblement inférieurs en France. En revanche les prix sont vraisemblablement inférieurs en Allemagne, indice de perspectives peu encourageantes du marché. Pour cette comparaison on mobilise des données comparables, celles fournies par Eurostat.

1 Les conditions matérielles

1.1 Surface, population, et utilisation du sol

La France compte moins d’habitants que l’Allemagne sur un territoire plus important. Dès lors la densité d’habitants est plus élevée en Allemagne et la densité d’utilisation du sol aussi.

Données physiques

  Surface (1000 km²) Population(millions d’habitants) Densité d’habitants au km² Sols artificialisés (% de la surface) Sols bâtis (% de la surface artificialisée
Allemagne 357 82,0 230 7 ,7 50,3
France métropolitaine 544 65,6 117 5,8 40,3

Source : Eurostat

Ce résultat se manifeste aussi dans l’utilisation du sol artificialisé, c’est-à-dire supportant des bâtiments, parmi lesquels le logement. Les données d’Eurostat ne permettent pas de distinguer le sol utilisé pour le logement des autres usages bâtis. En France 31,5 mille km² sont artificialisés, dont 9 mille sont bâtis. En Allemagne c’est le cas de 27,5 mille km² dont 18,3 mille sont bâtis. Les usages artificiels des sols représentent donc un plus grand pourcentage en Allemagne qu’en France 7,7% contre 5,8%, et dans ces usages la partie effectivement bâtie y est aussi plus importante, 50,3% contre 40,3%.

1.2 Les logements et leur occupation

La France compte 33,192 millions de logements pour 63,6 millions d’habitants, soit 521 logements pour mille personnes (source INSEE) y compris les résidences secondaires et les logements vacants. L’Allemagne compte 40,995 millions de logements occupés ou non pour 82 millions d’habitants, soit 500 pour mille habitants (source Destatis).

Le nombre de pièces par personne est identique dans les deux pays avec 1,9 pièce par personne en 2012, un peu au-dessus de la moyenne de l’UE 15 à 1,8 pièce. Le taux de surpeuplement est moins élevé en Allemagne qu’en France, 6,7% contre 7,6% en 2013, mais le taux de population en état de sous-peuplement est également moins élevé en Allemagne, 35,7% contre 43,8%. En d’autres termes la France montre une plus grande inégalité dans la répartition de la population selon ses besoins en taille de logement.

Le taux de privation sévère[1] en matière de logement est un peu plus élevé en France qu’en Allemagne, 2,6% contre 1,9%.

En définitive les conditions moyennes de logement en France et en Allemagne sont assez semblables, mais la répartition des logements est sans doute un peu moins égalitaire en France qu’en Allemagne. C’est vraisemblablement imputable au poids plus élevé des propriétaires en France qui est un frein à l’adaptation des conditions de logement aux besoins des ménages. C’est dû aussi à un plus grand nombre de familles dont les besoins en logement sont plus importants en termes de surface et donc moins fréquemment satisfaits.

2 Les conditions économiques

Comme toute dépense, la dépense de logement est le produit d’un prix unitaire par une quantité. Le prix résulte du fonctionnement du marché, la quantité relève du choix des ménages. On examine d’abord les prix avant de considérer la dépense totale.

2.1 Loyers et prix du service du logement

Les chiffres des parités de pouvoir d’achat d’Eurostat indiquent que le prix du service logement mesuré au niveau des agrégats des Comptes Nationaux, est d’environ 7% plus élevé en France qu’en Allemagne en 2012. Mais c’est le fait aussi de l’ensemble des prix qui sont 7% plus élevés en France qu’en Allemagne. Donc, relativement à l’ensemble des prix, le service logement n’est pas plus cher en France qu’en Allemagne. Cependant le prix du service du logement inclut celui de l’électricité, du gaz et des autres combustibles, moins chers de 20% en France. Hors prix des combustibles le prix du service du logement au sens strict est donc un peu plus cher en France qu’en Allemagne.

Ceci n’exclut pas que des indicateurs de loyers au m² soient plus favorables en Allemagne. Ainsi, le dossier de presse de la loi ALUR indiquait « en 2012, à Munich, ville allemande où le prix des logements est le plus haut, les loyers s’établissaient en moyenne à 9 €/m2 alors qu’ils s’élevaient à 24 €/m2 à Paris, près de 18 €/m² en Île-de-France, ou encore un peu plus de 14 €/m² à Nice (moyenne constatée sur l’ensemble du territoire français : 12,5 €/m² en 2011)». Outre que le nombre de m² n’est qu’un des indicateurs de volume des disparités de logement, ces chiffres laissent supposer que les disparités spatiales de loyers sont plus accentuées en France qu’en Allemagne.

2.2 Dépenses de logement et taux d’effort

Les dépenses de logement dont il est question ici sont les dépenses effectives, c’est-à-dire les loyers, les annuités de prêts liés au logement auxquels sont ajoutées les charges liées au logement (eau, chauffage, etc.). Les propriétaires n’ayant plus de prêts pour l’acquisition de leur logement ont donc des dépenses très faibles. Dans une autre définition, celle des « dépenses de consommation de logement » utilisée dans les agrégats des comptes nationaux ou le Compte du logement en France, on comptabilise les loyers dits imputés, c’est-à-dire ceux que les propriétaires se verseraient s’ils étaient locataires. On exclut par contre les annuités de prêts, qui relèvent d’opérations en capital. Il ne s’agit pas de dépenses au sens strict du terme. Ces dépenses de consommation de logement sont supérieures aux dépenses effectives.

En utilisant les dépenses effectives, on observe que la part de leur revenu que les ménages français consacrent au logement, leur taux d’effort, est significativement plus faible en France qu’en Allemagne : 18% en France en moyenne contre 28,2% en Allemagne en 2013 (graphique suivant). On retrouve le même écart sur les taux d’effort médians, 12,6% en France contre 22,3% en Allemagne. En ce qui concerne les seuls locataires, les taux d’effort moyens sont semblables dans les deux pays, 22,5% en Allemagne contre 22,8% en France.

France Allemagne tx effort

Un autre indicateur du poids de la dépense de logement dans les revenus est le taux de population en surcharge de coûts du logement, définie par Eurostat comme celle consacrant plus de 40% de son revenu pour se loger. Il s’agit ici encore des dépenses effectives de logement, loyers et annuités de prêts, à l’exclusion des loyers imputés. En 2012, en Allemagne ce taux est 16,6%, troisième plus haut taux d’Europe derrière la Grèce et le Danemark. En France, il est de 5,2%, qui est l’un des plus faibles taux d’Europe. Derrière elle ne figurent que la Finlande, le Luxembourg, Chypre et Malte.

Le taux d’effort moyen moins élevé en France pour l’ensemble des ménages s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, il y a en France plus de propriétaires dégagés des charges d’acquisition qu’en Allemagne, 33,7% contre 25,3%. Il y a en outre plus de locataires dans le secteur à loyer réduit (secteur social), 17,8% contre 6,7% (cf. graphique suivant). Il y a enfin plus de ménages bénéficiaires d’aides personnelles au logement, 22% en France contre moins de 2% en Allemagne. Par ailleurs les revenus des ménages français sont un peu plus élevés que ceux des allemands ce qui contribue à accentuer le phénomène .

France Allemagne statuts

 

La population française est donc plus également répartie que la population allemande entre les quatre statuts habituellement identifiés. Au total, dans le classement des pays européens selon le pourcentage de propriétaires, la France avec 63,7% est classée avant l’Allemagne qui en compte 53,3%. Celle-ci est juste devant la Suisse, pays où le taux de propriétaire est le plus faible d’Europe. Avec un taux de propriétaires plus faible l’Allemagne a néanmoins un taux d’accédants à la propriété presqu’aussi élevé que la France.

2.3 Prix des logements

Eurostat ne fournit pas de comparaison de prix comme pour les loyers. Il ne fournit que les évolutions de prix, et seulement depuis 2006 pour la France. Les autres sources existantes montrent que les prix des logements en Allemagne n’ont pas connu depuis 15 ans l’évolution qu’ils ont connue dans le reste de l’Europe, et notamment en France. Dès lors les prix des biens immobiliers sont significativement inférieurs en Allemagne. Ce fait n’est pas imputable à la politique du logement en Allemagne. Rappelons que le prix d’un actif comme celui des logements est la valeur actualisée de ses gains futurs. Les prix du logement en Allemagne résultent de l’évolution déjà amorcée du marché du logement allemand et de ses perspectives. Plus précisément il résulte de son déterminant fondamental qui est l’évolution démographique. Depuis 2004, année où la population allemande a commencé à diminuer, l’Allemagne a perdu 500000 habitants, la France en a gagné 3,286 millions. Ceci explique que les évolutions récentes des loyers en France et en Allemagne soient inverses (cf. graphique suivant).

France Allemagne loyers

Les perspectives pour le marché allemand sont encore plus sombres puisqu’Eurostat prévoit que les évolutions de population vont s’accentuer et que la population française dépassera la population allemande en 2050 (cf. graphique suivant).

France Allemagne population

Néanmoins, il est possible que l’évolution réelle en Allemagne soit moins décroissante si la politique d’accueil d’immigrants commencée ces dernières années se poursuit.

En définitive l’aspect du logement qui paraît favorable en Allemagne, le niveau des prix, est plutôt le révélateur d’une évolution attendue du marché défavorable.

 

[1] Une privation sévère correspond aux logements présentant une fuite dans la toiture, l’absence de douche ou de baignoire, l’absence de toilettes intérieures ou un logement considéré comme trop sombre.

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5 réponses à France-Allemagne : le logement

  1. Jean dit :

    dispositif mis en place

    C’est impressionnant de voir à quel point les loyers ont explosés en France par rapport à l’Allemagne. Ils ont une politique de logement vraiment performante. Il existe pourtant un dispositif mis en place par la ministre du logement Sylvia Pinel dans notre pays. Après, est-ce que cela va fonctionner ? Seul le temps pourra nous le dire, mais la précédente loi (Duflot) a été un véritable échec et n’a rien relancé du tout.

    • De fait les loyers ont augmenté en France alors qu’ils diminuent en Allemagne. Cela ne doit pas beaucoup à une politique du logement qui serait plus performante en Allemagne mais à une contraction significative de la demande du fait du déclin de la population. En fait, il y a trop de logements en Allemagne pour la population existante. Et Eurostat prévoit que cela va s’accentuer. Le pire est que malgré cela les ménages locataires allemands ont un taux d’effort comparable à celui des français.

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